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Wallis Bird

Wallis Bird 2016 "Home" http://www.wallisbird.com/ Photo to be used with a credit: Jens Oellermann

‘HOME’ 
sortie le 27 janvier 2017
(Mount Silver Records / Caroline International)
En Concert le 23 février à la Boule Noire

Wallis Bird travaillait tranquillement à son cinquième album depuis 18 mois lorsqu’en novembre dernier, un ami lui a demandé d’en jouer un titre. Depuis son premier album, elle avait toujours écrit durant ses tournées, testant ainsi ses chansons directement sur scène, mais après son dernier opus Architect (qu’elle avait défendu devant près de 25 000 personnes, et avec lequel elle avait connu un succès particulier auprès du public japonais) son management l’avait encouragée à faire une pause et à prendre son temps. Le processus qui s’en était suivi avait été fort agréable, ce qui ne fut pas le cas de la requête de son ami. « Ca m’a complétement paniquée », confie Bird. « Je n’avait aucune confiance en ce que j’étais entrain de faire. J’avais passé beaucoup de temps seule avec moi-même en studio, peut-être trop. »

Bird a alors fait la seule chose qui lui semblait logique : elle a organisé un concert. Pas un concert ordinaire, qui ressemble à ceux qu’elle avait donné depuis ses débuts en Irlande au début des années 2000. Elle a eu une meilleure idée : «  je me suis dit qu’un concert de douze heures règlerait tous les problèmes que j’avais », rit l’intéressée, pourtant très sérieuse. Elle est donc montée sur la scène de l’Auster Club à Berlin à 13h30 le 9 janvier 2016, pour n’en descendre que le lendemain, levant au passage des fonds pour des organisations de soutien aux réfugiés. Puis elle a fini le show par deux rappels. « C’était terrifiant, exigeant, hypnotisant, abominable, délirant, amusant, mignon, simple, décousu, mais au final, c’était beau. Au bout de sept ou huit heures, mes amis ont commencé à me rejoindre sur scène, et on a mis le feu ! Après ça, ça a été. Ca m’a beaucoup appris ! »

Pour la plupart des gens, ce genre d’événement peut paraître impensable, mais pour Wallis Bird, l’impensable est souvent ce qu’elle recherche. Cela semble évident sur son nouvel album Home, un ouvrage fait de nombreux styles et de tout autant d’humeurs, sans jamais pour autant sacrifier la personnalité se son auteur. De « Change » (la dernière chanson que Wallis ait écrite, mais aussi sa préférée), qui ouvre l’album sur un rythme lent trompeur avant de s’épanouir en un air joyeux, au serein « Seasons » clôturant le projet, en passant par l’ode à l’amitié « That Leads The Way » et l’intime « The Deep Reveal » aux accents R&B, rien n’effraie Bird. Mieux, elle trouve même le moyen d’inviter ses amis à la rejoindre sur l’irrésistible et jubilatoire « Love », alors que dans le même temps, elle interprète a cappella (dans le style traditionnel irlandais du Sean Nos) le titre dépouillé donnant son nom à l’album.

Bien sûr, Bird n’a rien d’ordinaire. Pour commencer, elle ne répond pas aux stéréotypes sur les artistes, puisqu’elle a passé une enfance calme et heureuse dans le conté de Wexford, en Irlande. « Je n’en ai que de bons souvenirs, sourit-elle. Du bruit, des jeux, un peu de folie, du réconfort, des disputes, des câlins… Jamais aucun manque, matériel ou affectif. Mes parents sont des gens relax. Ils ont pris de gros risques : ils ont été propriétaires d’une boutique, d’un pub, d’une ferme ; ils ont été DJ, tourneurs, assureurs, restaurateurs, et tout un tas d’autres trucs… Ils n’ont jamais eu peur du travail, jamais évalué leur succès en fonction de leur statut, et n’ont jamais eu peur d’aller à contre-courant des valeurs établies. Ils nous ont permis de faire nos propres erreurs. Ils m’ont laissée me consacrer à la musique au lieu d’aller à l’école ou de trouver un boulot. »

Ce dernier fait est d’autant plus remarquable qu’à 18 mois, Bird a perdu une bataille contre une tondeuse à gazon qui lui a coûté un doigt de la main gauche (les quatre autres ont pu être sauvés grâce à une opération). Qu’à cela ne tienne, puisqu’elle jouait de la guitare depuis l’âge de six mois (des photos le prouvent !), la belle a tiré profit de ce qui aurait été une catastrophe pour beaucoup. « J’ai appris à jouer avec ce que j’avais », explique-t-elle simplement. « Il n’y a pas d’autre manière de le dire. On m’a mise sur cette terre pour que mon corps canalise la musique. Si ça sonne, alors je le joue ! Pour moi, rien en ce monde n’est inanimé. Tout a une chanson à chanter. »

Dès qu’elle a quitté l’école, Bird s’est rendue dans la capitale irlandaise, où elle a étudié la composition le jour et donné des concerts la nuit. A 23 ans, elle est partie vivre en Allemagne pendant un an, et a connu le succès avec son premier single « Blossoms In The Street » (2006), qui a passé 20 semaines dans les charts allemands et lui a permis de décrocher un contrat avec Island Records en Grande-Bretagne. Elle s’est ensuite installée à Londres, puis a sorti son premier album Spoons en 2008. Grâce au suivant, New Boots (2009, Columbia Records), elle a remporté un Meteor Award (l’équivalent irlandais d’un Brit Award) du meilleur nouveau talent. Chaque sortie s’est accompagnée d’une longue tournée, dont des concerts avec des artistes aussi divers que The Gossip, Billy Bragg et Emiliana Torrini. Le troisième album de Bird, Wallis Bird (2012), lui a cette fois valu le Meteor de la meilleure artiste, mais aussi une nomination au Choice Music Prize (le Mercury Prize irlandais). La même année, déçue par Londres, elle est retournée vivre à Berlin.

Le quatrième album de Bird, Architect (2014), fêtait ce déménagement, et ses expérimentations électroniques racontaient, comme elle l’admet en riant, « comment la trentenaire célibataire que j’étais s’est alors éclatée à Berlin ». Home, opus peu conventionnel, reprend l’histoire là où elle s’était arrêtée. Mais il ne s’agit pourtant pas d’un « album berlinois » dont la protagoniste décadente se remet d’une gueule de bois ou pire encore. Bird continue : « Home est l’opposé de ça. Architect dévoile le plan de vie et d’artiste que j’avais prévu de réaliser : ‘une fille en rencontre une autre, elle tombe amoureuse et tout est bien qui finit bien’. La fin heureuse, c’est Home ! »

Home est en effet une telle célébration de l’amour que Bird vit aujourd’hui avec sa muse et compagne que non seulement elle parle de l’album comme d’une « lettre de remerciement », mais que sur la pochette de ce dernier, on voit le couple enlacé. Cela n’est peut-être pas très branché, mais cela ressemble à Bird, surtout si l’on se réfère aux paroles des titres composant l’album. Dans « Odom », qui parle de « tomber amoureuse comme une folle », Bird annonce « tu es plus chaude que quelque-chose de chaud un jour de canicule » (avant de rendre hommage avec humour à Bonnie Tyler). Dans « Home », elle promet : « je ne suis pas une bonne chose pour toi maintenant/je suis bonne pour toi tout le temps », et se souvient avec tendresse comment « au fil des verres, des chansons et des plaisanteries/j’ai continué à te toucher la main pour attirer ton attention. » « Love », quant à elle, est une déclaration en bonne et due forme, partagée en studio avec ses amis : « les étoiles étincellent/Et les arbres bruissent/Et moi je déborde d’amour. »

Personne, cependant, ne pourrait accuser Bird de ne penser qu’à une chose. Sur Home, elle exprime aussi sa gratitude envers les colocataires qu’elle a laissés derrière elle sur « That Leads The Way » (« Souviens-toi quand les voisins ont dit/’La musique est trop belle pour qu’on appelle la police’ »), et envers un ami qui a donné son piano (« Seasons »), tandis que l’extraordinaire « The Deep Reveal » aborde le sujet de la mort : « A un moment on respire, le suivant on ne respire plus. » « Pass The Darkness », à l’inverse, ne livre pas ses secrets : « j’ai essayé d’y ajouter des paroles », explique Bird mystérieusement, « mais ce que je voulais dire est inclus dans la musique, l’interprétation et la production ». A cette liste s’ajoutent le passionné « Control », le joyeux et funky « Fantasy » et « I Want It I Need It », dont la tension à la fois douce et savamment distillée rappelle Radiohead.

Home a été enregistré presque entièrement dans le home studio de Bird, bien qu’il ait été assemblé dans deux appartements différents. Il a ensuite été finalisé à Kleine Audiowelt, près de Mannheim, où Bird avait déjà souvent travaillé. Elle a continué sa collaboration avec Marcus Wuest, qui a supervisé plusieurs sessions live et mixé l’album, même si cette fois-ci, Bird a elle-même produit l’album. Wuest a aussi joué du piano sur « Love » et sur « Seasons », aux côtés des collaborateurs réguliers Aidan (clarinette, chant), Emma Greenfield (cornet, chant) et Sam Vance-Law (violon, chant). Bird a joué de tous les autres instruments elle-même.

Comme sur Architect, Bird continue de déployer des éléments électroniques sur Home, mais elle tient à préciser qu’elle a opéré des changements subtils dans son approche et dans ses arrangements. Il n’y a par exemple pas de batterie sur Home, et seul « Pass The Darkness » contient de la basse. Fait peut-être plus révélateur, Bird, que l’on a souvent décrite comme une « troubadour », joue uniquement de la guitare électrique (et plus d’acoustique) sur l’album. Cela ne signifie pas que ses jours de baladin errant ont pris fin. En fait, après deux ans passés à se concentrer sur l’album, elle est impatiente de reprendre la route. En amont de la parution du disque, elle donnera une série de concerts intimistes dans des petites salles. « Ca sera une vraie tournée d’environ cinquante dates en Europe, au Japon et en Australie. »

Il est peu probable que les shows de Bird durent à nouveau douze heures, mais ces petits concerts en communion avec le public semblent parfaitement appropriés à un album si candide, si coloré et si « plein d’amour ». Comme le dit Bird, « je me sens heureuse, chanceuse et libre, alors c’est sur ça que j’ai écrit ! » Cela n’a rien d’étonnant qu’elle n’ait plus aucun mal à partager ses chansons. Comme le dit le proverbe anglais, où se trouve le cœur, là est la maison (home is where the heart is).