The Duke Spirit
« CUTS ACROSS THE LAND »
Comme tous les meilleurs groupes de rock’n’roll, The Duke Spirit sont des outsiders nés – et cela n’a jamais été aussi évident qu’en ce moment. Alors que l’Angleterre est une fois de plus saisie d’une nouvelle rechute de Britpop, The Duke Spirit restent fiers et résolus, se sentant sans doute de plus en plus à l’écart, comme le Velvet Underground pouvait l’être en plein milieu de l’été de l ‘amour.
“Nous ne ressentons absolument aucune affinité avec ce genre de musique britannique,” dit le guitariste Luke Ford en riant. “Ça nous a toujours simplement semblé beaucoup trop macho et homogène. Nous avons toujours été beaucoup plus intéressés par des groupes anglais comme My Bloody Valentine et Stereolab, et aussi par des artistes comme Bjork et Nick Cave… Je suppose que ce que nous proposons aux gens est un refuge contre tout ce truc de revival Blur qui semble avoir lieu en ce moment…”
Depuis ses débuts en 2002, The Duke Spirit – formé par cinq musiciens de Londres – a été un groupe à part, s’isolant, façonnant sa propre vision unique et déchirée du rock’n’roll. La première annonce publique de leurs intentions arriva en 2003, quand ils sortirent un mini-album applaudi par la critique (Roll, Spirit, Roll), qui offrait une esthétique à base de guitares éraflées et gorgées d’âme, évoquant tout le monde des The Shangri-La’s à Spiritualized en passant par le Gun Club et Patti Smith.
Tout ce qui concerne ces disques – de l’imagerie obscure et surnaturelle des pochettes (tirée de planches du XIIème siècle anglais) aux techniques d’enregistrement instinctives et sans fioritures utilisées pour capturer ce son originel – soulignait qu’on avait ici affaire à un groupe pour qui le sens de la distanciation d’avec ses contemporains était vital.
« Nous voulons que notre musique soit rédemptrice, » explique la chanteuse Liela Moss. « Nous voulons mettre à jour des émotions, sans explications détaillées. Je veux qu’il y ait une générosité d’esprit, quelque chose auquel les gens puissent s’accrocher.”
Luke: « Nous voulions simplement quelque chose qui capture le pouvoir de guérison du rock’n’roll. Dans cet esprit, nous écoutions des trucs comme “Roadrunner” (Jonathan Richman), “Do You Believe In Magic?” (The Lovin’ Spoonful) et “Rock’N’Roll” (The Velvet Underground). Ce sont toutes des chansons qui vous font immédiatement comprendre comment la musique peut changer votre vie en un instant. »
The Duke Spirit (Luke et Liela, accompagnés de Dan Higgins – guitare, Olly Betts – batterie et Toby Butler – basse) sont de ces groupes qui ont la chance d’avoir cette musique qui leur vient totalement naturellement. Cela devient évident après une écoute, même rapide, de leur magnifique premier album, longtemps attendu, Cuts Across The Land.
Enregistré sporadiquement tout au long d’une année, tout d’abord avec l’ex-Cocteau Twin Simon Raymonde, puis avec le légendaire producteur Flood, le disque est une force de la nature étincelante, zappant largement entre climats tranquilles (de « Lovetones », au bout du rouleau, ou le déchirant « Bottom Of The Sea ») et orageux (le chaos de leur dernier single, « Lion Rip », les stridences sous tension de « Love Is An Unfamiliar Name »).
Musicalement, c’est un disque sombre, de toute beauté et, de temps à autre, malveillant (écoutez le cliquètement des potences sur « You Were Born Inside My Heart »). Si vous imaginez le troisième album du Velvet Underground mais avec Nico qui serait restée dans le groupe sur le devant de la scène, ou la chanteuse soul sixties Irma Thomas emmenant les Rolling Stones, vous êtes sur la bonne voie. Ajoutez à ceci les textes bruts et puissants de Moss, et vous obtenez quelque chose d’à la fois mystérieux et unique.
« Les textes parlent de prendre les choses qui te dépriment et te remplissent de crainte, ces petites poches d’émotions sombres que chacun a en lui, et de les transformer en quelque chose de positif, » suggère Liela. »J’ai connu de véritables déchirements et des moments de misère spirituelle dans ma vie, mais j’ai toujours réussi à rassembler mes émotions et à découvrir une nouvelle force en moi.”
En fait, le fait d’écrire des chansons a souvent été pour beaucoup dans ce processus.
Liela: « Je sens aussi parfois qu’il y a beaucoup de vers prophétiques dans les chansons que j’écris. Il y a toujours quelque chose que je ne comprends pas vraiment et qui, plus tard, devient totalement évident pour moi. Je trouve ça très étrange. Il y a des passages qui prédisent des tristesses intenses ou des catastrophes. Des choses qui finissent un jour par se résoudre… »
Pendant tout le reste de l’année, le groupe répandra son message sur au moins trois continents, ayant déjà décroché des publications de son album à la fois en Amérique (sur Interscope) et en Australie (où Speak ‘N’ Spell va publier son premier EP) pour accompagner son activité britannique.
En Angleterre, s’étant déjà construit une impressionnante armée de fans grâce à des tournées en compagnies de gens comme British Sea Power, Mercury Rev, Mark Lanegan et Razorlight, ils ont donné les plus gros concerts de leur histoire à la demande très spéciale de Kasabian (parmi lesquels une soirée à l’Alexandra Palace), et ont également entrepris leur propre tournée en tête d’affiche à la fin du mois de mai.
C’est en concert que le groupe pense être en pleine puissance de ses moyens, et comme chaque aspect de la musique du groupe, c’est quelque chose qui s’améliore de jour en jour.
« Nous avons toujours eu des règles très strictes au sujet de nos concerts, » dit Luke. « Liela aurait peu apprendre à jouer de la guitare, mais nous voulions rester à l’écart de ça. Nous voulions que Liela chante comme les grandes chanteuses de soul avaient l’habitude de le faire devant leur public. »
Liela: « J’ai beaucoup de considération pour le chant en tant qu’instrument, alors pourquoi essayer de jouer de deux instruments à la fois? J’ai simplement décidé que si je devais chanter, j’allais le faire à fond et j’allais m’y donner toute entière. »
« C’est ça, The Duke Spirit, » conclut Luke. « Il n’y a ni compromis ni demi-mesures. Nous ne nous forçons pas et nous ne faisons pas semblant. C’est ce que nous sommes… »
C’est à dire, mystérieux et uniques. 2005 est peut-être actuellement dominée par le retour de la Britpop, mais The Duke Spirit sont sur le point de prouver qu’il y a beaucoup plus que ça.