Dotan
Album « 7 Layers » sortie le 9 Mars 2015
Mercury/Universal
En quête d’inspiration pour son album, Dotan s’est retiré dans son salon. Pas seulement le sien d’ailleurs : ce mystérieux compositeur et interprète s’est aussi rendu dans le repaire de parfaits inconnus. De cette expérience est né « 7 Layers », un album magique reflétant un singulier talent.
« J’ai toujours eu le trac » avoue Dotan, « et je me suis dit que pour le vaincre, il fallait que je teste mes nouvelles compositions directement chez les gens, dans leurs salons. En acoustique, solo, sans rien à cacher, dans une pièce remplie d’inconnus ; je n’aurais pas pu trouver plus intimidant. » Il a posté un message sur Facebook, proposant aux gens de l’inviter chez eux. Submergé de réponses, il a fini par faire plus de 100 concerts en solo, d’appartement bondés en chambres de bonnes, de péniches en fermes de campagne, et même dans des châteaux. « Il s’est passé des trucs géniaux, » dit-il en commentant des souvenirs qui lui sont maintenant chers. « Parfois, pendant une chanson un peu émouvante, je me suis retrouvé dans une pièce remplie de gens qui pleuraient. Ça a été une leçon de vie incroyable. »
Pour remonter aux origines de ce tournant de carrière peu orthodoxe, il faut revenir plusieurs années en arrière. Comme un bon nombre d’entre nous, ce jeune homme timide se retrouva à suivre la carrière qu’on attendait de lui. « Aux yeux des gens, j’avais l’air d’avoir un bon boulot, mais ce n’est jamais ça qui m’a intéressé : la seule chose que j’aie jamais voulu faire, du plus loin que je puisse me souvenir, c’est de la musique, tout simplement. » Quand il surmonte enfin ses appréhensions et quitte son job pour se consacrer à sa passion pour la musique, il démarre de façon impressionnante : il collabore non seulement avec des producteurs partout dans le monde, enregistrant des morceaux entre Los Angeles et Londres, est largement diffusé à la radio, et se produit sur les plus grandes scènes en live. Mais inévitablement, la pression augmente et à nouveau, Dotan a l’impression de satisfaire les attentes d’autres personnes plutôt que les siennes.
Ses concerts de salon ont mit un terme à ce problème, en lui permettant de se redécouvrir. Ils lui ont inspiré des compositions plus intimes et sincères, et lui ont enfin donné les moyens de composer l’album dont il avait toujours rêvé. Encouragé par l’expérience positive de ces mini-concerts, il décide d’enregistrer son album dans l’espace familier de son propre salon. « On a installé des micros, mis des matelas pour isoler le son, et on a commencé à enregistrer. » Ce qu’il préfère, c’est le résultat sonore, malgré les conditions d’enregistrement modestes. Une chanson comme ‘Let The River In’, dont le début est modeste, prend peu à peu des proportions épiques. Mais paradoxalement, c’est un album au son assez brut ; la version finale comporte encore des bruits de fond où l’on distingue par exemple les tramways qui passent sous sa fenêtre. « Je n’avais pas envie de faire un album parfait, aseptisé » explique-t-il : « Les bruits de l’extérieur donnent à l’enregistrement encore plus d’authenticité. Comme si l’album vivait, et respirait. »
C’est un album dont le thème central est l’eau. Tout au long sa courte mais très riche carrière, Dotan a enregistré, joué et composé sa musique partout dans le monde ; d’Amsterdam à Londres et Los Angeles, jusqu’en Norvège et en Israël, en passant par les magnifiques côtes du Devon, en Angleterre. De toutes ces destinations, il retient une fascination pour l’eau. Le va-et-vient de cet élément l’a toujours apaisé. Il a même enregistré le son du ressac, et s’est aperçu que ça l’aidait à s’endormir. Les nombreuses vertus magiques de l’eau parcourent en sinuant les morceaux de son album.
Le titre de cet album, « 7 Layers »*[1] fait référence aux sept couches de peau qui protègent l’être humain. Un titre bien choisi, puisqu’avec chaque chanson, Dotan retire une couche afin d’arriver à son être véritable. « J’ai trouvé que l’idée des sept couches était une belle métaphore, illustrant parfaitement mon projet d’album : se rapprocher, couche par couche, du noyau, et pouvoir examiner le centre de mon être. »
« 7 Layers » est typiquement un album d’auteur-compositeur-interprète ; la plupart des chansons sont au départ uniquement composées de la voix de Dotan, et sa guitare. Une fois qu’il a enregistré les pistes de base, il s’est ensuite élevé sur ces fondations, en ajoutant des chœurs et des percussions. Cet album possède un son dynamique, dépouillé, presque perturbant. Le silence vient s’opposer à un son qui soudain éclate, de petites chansons acoustiques sont soudains amplifiées démesurément par ses compositions, le tout lié par la voix de Dotan, et sa guitare acoustique. Il n’a pas eu peur d’expérimenter. « Je ne me suis jamais focalisé sur le potentiel commercial ; je me suis simplement lancé, j’ai enregistré l’album, puis j’ai attendu ce que je redoutais le plus : la réaction du public. » Pas besoin de s’en faire : les critiques furent élogieuses, et célébrèrent l’authentique beauté de cet album.
À présent, il est temps de faire découvrir ces chansons à un nouveau public, et dépasser le cadre si confortable de ces petits salons. Bien qu’il se décrive souvent comme une personne solitaire, on peut faire confiance à Dotan pour rassembler sur scène un groupe de six musiciens. Sur scène, ses compositions prennent un nouveau souffle, comme peuvent en témoigner les foules des festivals auxquels il s’est produit. Aux mains des musiciens de son groupe, les morceaux qu’il a minutieusement composés acquièrent une nouvelle dynamique. Loin de s’en tenir à un ensemble musical prédéterminé, les musiciens changent d’instruments et chantent tour à tour. « Au lieu d’avoir un groupe traditionnel où les rôles sont assignés à l’avance, on fait juste de la musique, tous ensemble. Encore une fois, ce qui compte aussi c’est de quitter son environnement familier. » Et c’est justement à ça que Dotan excelle.
[1] Seven Layers signifie « Sept Couches »